2°) Au XXe siècle et surtout depuis 1945 : Développement sans précédent des forces productives

S’appuyant sur le cadre théorique de l’impérialisme, erroné à sa source, les théories postulant l’arrêt (Trotski, Bilan, GCF) ou le ralentissement (Socialisme ou Barbarie, CCI) des forces productives depuis 1914 sont en contradiction flagrante avec la réalité.

 

Tableau : Croissance de la production mondiale (Taux annuel moyen)

On constate une convergence des sources statistiques (malgré des différences dans la périodisation).

Bairoch (PNB)

Maddison (PIB)

1800 — 1900

1,0 %

1820 — 1900

1,3 %

1860 — 1900

1,4 %

1870 — 1900

1,9 %

1900 — 1995

2,7 %

1900 — 1992

2,9 %

Pour Bairoch, les sources statistiques de ce chapitre sont :

. Victoires et déboires, collection Folio, éditions Gallimard, 1997

. Le Tiers-monde dans l’impasse, collection Folio, éditions Gallimard, 1992

 

 

 

 

Les indicateurs économiques de production

Une première approche statistique de l’évolution économique du XXe siècle infirme complètement la thèse d’un ralentissement du développement des forces productives. Le taux de croissance annuel moyen de la production mondiale sur la période 1913-1992 est de 3 %, bien supérieur à celui de la période dite 'ascendante' : en effet, de 1820 à 1913, il est de 1,5 %, et, même en prenant une période de développement plus rapide du capitalisme, de 1870 à 1913, il est de 2,1 % (et de 2,5 % de 1900 à 1913).

En fait, cette période, allant de 1914 jusqu’à maintenant, n’a pas d’unité, elle recouvre des réalités complètement différentes.

Si un ralentissement du développement des forces productives peut se constater sur les trois décennies 14-45 (mais en aucun cas, il ne s’agit d’un arrêt, comme l’a écrit Trotski), par contre, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la croissance est sans commune mesure avec celle de la période précédant 1914. Elle est telle qu’elle compense largement le ralentissement entre 14 et 45. Et même depuis 1974, elle ne s’effondre pas et reste globalement à un niveau comparable à celui du XIXe siècle.

Les éléments dont on peut disposer actuellement vont tous dans le même sens (on se base ici sur les travaux de Bairoch et Maddison). Même si l’on prend ces chiffres avec précaution — les reconstitutions de séries statistiques sont délicates, elles reposent sur de nombreuses hypothèses dont le choix n’est pas neutre —, même si telle ou telle statistique peut être sujette à caution, il apparaît que la convergence de ces éléments et la cohérence globale qui s’en dégage ne sauraient être si simplement rejetées.

Une approche qualitative

Certains sont amenés à critiquer cette approche quantitative : par exemple, concernant la production industrielle, on peut retrouver dans Perspective internationaliste l’idée suivante :

'Une grande partie de la production sous le capitalisme décadent est destinée à la production de moyens de destruction (armement) et à la consommation improductive de l’Etat tentaculaire... Ceci démontre une fois encore l’incapacité de simples chiffres de croissance de la production industrielle à traduire le développement des forces productives sur le plan historique.' ('Développement des forces productives et décadence du capitalisme', dans Perspective internationaliste n° 29, hiver 95-96, p. 14.)

Prenons alors des indicateurs plus indirects, 'qualitatifs', du développement du capitalisme, les indicateurs démographiques ou 'socio-économiques' : mortalité, espérance de vie, élévation du standing d’existence des populations, amélioration des équipements sociaux, scolarisation, niveau d’alphabétisation, taux d’intégration aux processus capitalistes de production etc. Là, si le développement de la production au XXe siècle n’est en fait qu’une apparence statistique, due à l’orientation de la production vers l’armement ou vers des dépenses improductives, nous aurons une divergence flagrante avec les indicateurs économiques. Mais voilà, non seulement il n’y a pas divergence, mais ces indicateurs plus 'qualitatifs' confirment encore le développement net et rapide au cours du XXe siècle.

 

 

Il n’y a pas de cycle : crise-guerre-reconstruction au XXe siècle

Le schéma du CCI d’un cycle crise-guerre-reconstruction depuis 1914 n’a pas de fondement réel.

 

 

Quelques mots sur la crise économique :

Ses prémices datent bien de 1967 mais elle ne s'est confirmée qu'en 1974. Elle n'a pas le sens que lui confère le CCI d'annonce de 'l'effondrement final'. Elle exprime que le capitalisme, comme il en a toujours été pour lui tout au long de son histoire, rencontre en chemin constamment ses propres contradictions mais, pour autant, elle ne signifie pas de manière automatique que le système capitaliste est d'ores et déjà incapable de les surmonter.

Y a-t-il une limite objective au développement du capitalisme, un moment où ses contradictions économiques deviendraient insurmontables ? Et, si oui, de quelle marge de manœuvre dispose encore la bourgeoisie ? Quelle est l'échéance d’un possible effondrement final ? Pour l’instant, rien ne permet de présumer du niveau au-delà duquel le système ne fonctionnerait plus, ni de l’échéance, ni de la forme que cela peut prendre. Un éventail de possibilités est ouvert. Cette situation de blocage, d’asphyxie du système économique, ne prendra pas forcément la forme d’un effondrement. De plus, les tensions engendrées par les contradictions du capitalisme ne laisseront peut-être pas le temps à ce schéma théorique de se réaliser.

 

 

 

Source : Bairoch

1700

1800

1900

1953

1980

1990

Taux croissance annuel

1800-1900

1900-1990

Population (en millions)

Monde

690

970

1 640

2 640

4 450

5 280

0,5 %

1,3 %

Pays développés

180

240

550

880

1 160

1 250

0,8 %

0,9 %

PNB (en milliards de $ US - prix US 1960)

Monde

128

185

490

1 420

4 680

6 120

1,0 %

2,8 %

Pays développés

32

47

300

1 040

3 400

4 360

1,9 %

3,0 %

PNB / Habitant (en $ US - prix US 1960)

Monde

185

190

300

540

1 050

1 160

0,5 %

1,5 %

Pays développés

180

200

550

1 180

2 930

3 490

1,0 %

2,1 %

Production manufacturière (Royaume-Uni : 1900 = 100)

Monde

100

147

540

3 070

11 200

14 630

1,3 %

3,7 %

Pays développés

30

47

480

2 870

9 900

12 230

2,4 %

3,7 %

Production sidérurgique (en millions de tonnes - Fer et fonte jusqu'en 1900, acier après)

Monde

0,5

1,1

41

235

750

685

3,7 %

3,2 %

Pays développés

0,2

0,8

41

230

700

575

4,0 %

3,0 %

Consommation d'énergie (en millions de tonnes équivalent charbon)

Monde

490

700

1 750

4 300

10 300

12 000

0,9 %

2,2 %

Pays développés

150

230

1 100

3 100

7 600

9 200

1,6 %

2,4 %

 

Indice base 100 en 1913

  Source : Maddison

PIB mondial

Taux de croissance annuel moyen

1820

25

1,0%

1,5%

2,2%

1870

41

1,9%

2,1%

1900

73

2,5%

1913

100

1,9%

1,7%

1,9%

3,0%

1929

136

1,3%

1938

152

2,2%

1950

197

4,8%

4,5%

4,0%

1970

507

3,8%

1980

734

2,8%

1992

1 027

Taux d'analphabétisme - Ensemble du Tiers-Monde

Source : Bairoch

% de la population de plus de 15 ans ne sachant ni lire ni écrire

1900

1950

1970

1995

84%

72%

48%

30%

Source : Bairoch

1700

1900

1990

Espérance de vie à la naissance (hommes)

Monde

29

31

62

Europe

30

45

72

Mortalité infantile (pour 1000 naissances)

Monde

240

230

67

Europe

240

190

8

% d'agriculteurs dans la population active

Monde

80

72

49

Europe

78

50

11

Rendement de blé (quintaux à l'hectare)

Monde

7

8

25

Europe

7

14

47

Taux d'urbanisation (villes de plus de 5000 habitants)

Monde

11

16

43

Europe

12

38

70

Nb. de villes de plus de 100 000 habitants

Monde

80

300

2 900

Europe

11

125

460

 

Pose de la carrosserie sur le châssis de la Ford A en 1931 à l'usine de River Rouge

Chaîne de montage robotisée chez Renault