4°) Les tendances : le capital devient 'apatride' et le cadre de l’Etat-nation, d’un point de vue économique, est dépassé

 

Perspective de développement du protectionnisme ?
Vers une troisième guerre mondiale ?

Depuis 1945, les perspectives pour le capitalisme ne sont plus orientées vers un développement du protectionnisme, vers une tendance à ce que la concurrence économique entre les principaux capitaux nationaux tourne à un affrontement dans une guerre mondiale. Maintenant, c’est moins, sinon plus du tout, la dimension de la conquête territoriale qui prévaut mais celle de l’approfondissement de la domination réelle des marchés. Les rapports de forces entre nations développées passent désormais plus par la puissance économique que par la puissance militaire. La guerre ne représente plus un mode d'action privilégié et efficace pour le capital développé.

 

L’avion 'furtif', un symbole de la suprématie des Etats-Unis sur le plan militaire. Le rôle des Etats-Unis est historiquement inédit.

La mondialisation ne signifie pas la disparition, ni même l’atténuation des rivalités commerciales. Au contraire, mais elle impose que, pour l’intérêt du capitalisme global, les formes de cette concurrence, doivent impérativement tenir dans le cadre de règles préservant le fonctionnement efficace du marché mondial.

Une situation telle que celle des années 30 n’est absolument pas transposable dans le capitalisme actuel. L’imbrication, l’interdépendance des économies nationales sont telles que le développement de politiques protectionnistes constituerait, au moins dans les pays capitalistes développés, un non-sens total du point de vue des intérêts capitalistes ; cela se traduirait immédiatement par une sanction radicale : l’effondrement économique des pays qui ont fait ce choix. Et la généralisation de telles politiques aboutirait sans délai à l’effondrement du capitalisme mondial.

La tendance à la généralisation du libre-échange, impulsée par les Etats-Unis, n’a jamais été réellement remise en cause depuis cinquante ans (même en période de crise économique). Contrairement à ce que peut affirmer le CCI, qui, répétant les schémas du passé, met en avant une dynamique de 'chacun pour soi', une tendance à l'émergence d'un autre bloc antagoniste aux Etats-unis ne paraît pas du tout d'actualité, et aucun élément ne permet pour l'instant de le prévoir.

L’Etat-nation

La tendance dominante actuelle fait que parler de 'capital national' va devenir de moins en moins pertinent. La mondialisation se traduit par l’abolition des distances, par le fait que les décisions se prennent d’emblée au niveau mondial, le cadre de l’Etat-nation correspondant de moins en moins à une réalité économique. Quel est actuellement le degré d’autonomie des Etats ? Notamment dans leur politique économique (comme on vient de le voir pour le protectionnisme) ? Toute décision n’allant pas dans le 'bon' sens (celui de la mondialisation) est immédiatement sanctionnée par les marchés.

Il s’agit bien là d’une tendance, car évidemment, l’Etat-nation n’a pas disparu et n’est pas prêt de disparaître. Cependant, à terme, du point de vue économique, c’est bien la disparition même des Etats-nations, base structurelle encore indispensable aujourd’hui, qui peut constituer un enjeu pour le capitalisme. L’intégration de l’Union européenne et la création de l’euro vont dans ce sens. L’Etat-nation subsisterait formellement pour répondre à la nécessité de contrôler, encadrer idéologiquement, le prolétariat.

Aujourd'hui, on peut commencer à parler du 'capital apatride'.

Automobiles Honda à Gand (Belgique).

La logique de l’extension capitaliste ne passe plus, pour l’essentiel, par l’accaparement de marchés grâce à la conquête de territoires, autrement dit l’impérialisme. L’Allemagne et le Japon ont connu un développement exceptionnel dans l’après-guerre et ont pu écouler leur production à l’étranger sans conquêtes territoriales.

 

Shanghai :

La Chine constitue un champ d’expansion gigantesque pour le capitalisme.

 

 

 

5°) Quelques questions plus larges concernant la décadence

 

'La période bourgeoise de l’histoire a pour mission de créer la base matérielle du monde nouveau, d’une part, l’intercommunication universelle fondée sur la dépendance mutuelle de l’humanité et les moyens de cette intercommunication ; d’autre part, le développement des forces de production de l’homme et la transformation de la production matérielle en une domination scientifique des éléments. L’industrie et le commerce bourgeois créent ces conditions matérielles d’un monde nouveau de la même façon que les révolutions géologiques ont créé la surface de la terre. Quand une grande révolution sociale aura maîtrisé ces réalisations de l’époque bourgeoise, le marché mondial et les forces modernes de production, et les aura soumis au contrôle commun des peuples les plus avancés, alors seulement le progrès humain cessera de ressembler à cette hideuse idole païenne qui ne voulait boire le nectar que dans le crâne des victimes.'

Karl Marx, 'Les résultats éventuels de la domination britannique en Inde', dans le New York Daily Tribune n° 3840, 8 août 1853. Article recueilli dans : Marx Engels, textes sur le colonialisme, éditions du Progrès, p. 99.